J’ai été invitée par l’Institut français et le centre Recoleta à participer à une résidence artistique à Buenos Aires. Ce “Laboratorio de experiencias creativas” s’est déroulé du 18 au 28 octobre 2018. J’ai eu le plaisir de collaborer avec Rudo, collectif créatif argentin, pour fabriquer un “truc”. Je dis un truc parce que, très sincèrement, nous ne savions pas vraiment ce que nous allions produire avant de nous rencontrer en vrai.

Je suis partie avec Anne-Laure Pigache et sa poésie sonore. Elle aussi a produit des “trucs” pendant cette résidence, des trucs très chouettes (bientôt le lien).

Des premières discussions timides et pleines de bienveillances au résultat, une storie interactive à jouer sur le compte Instagram dédié, je vous propose ici des extraits du  journal de cette résidence et des liens (à consulter de préférence sur mobile) vers les multiples prototypes que nous avons produits.

 

AU COMMENCEMENT : DES PRÉMICES

Donc, 10 jours. Une envie : explorer encore Instagram. Ezequiel et Pablo (les Rudo) ont l’idée d’une histoire à moitié rouge, à moitié bleue. Nous nous échangeons des références, des BD que les Rudo ont sur leurs étagères, des choses qu’on a faites, on discute autour de leur table de ping pong bleue.

Nous imaginons un début d’histoire : une jeune fille et un jeune garçon sont à une fête foraine. Leurs regards se croisent. Ils se plaisent. Ils se cherchent du regard pendant toute la soirée.
Nous avons 2 couleurs : le rouge, pour le garçon et le bleu, pour la fille.
Une arène : la fête foraine.
Un concept : tourner le téléphone pour suivre l’histoire

Nous séquençons l’histoire en passages autonomes, cela nous permet d’être plus agile pour le rendu final de vendredi. Nous définissons un minimum à produire : notre MVP (Minimum viable project), un minimum qui permet d’expérimenter pour donner envie d’une suite. Ce sera : une introduction, la scène du pendule, El pendulo, la scène des montagnes russes, Montagna russa, et la conclusion. La scène de la roue, La Rueda, et le labyrinthe “Laberinto”, sont en option.

Nous baptisons notre projet LaFileLaFila (à prononcer LaFiléLaFila), joyeux mélange franco-argentin.

 

UNE OBSESSION : LES MOUVEMENTS

La fête foraine nous permet de travailler sur des mouvements circulaires, pendulaires, en torsade… Les manèges sont un super terrain de jeux pour expérimenter notre concept du « faux effet spécial » : donner l’impression qu’on fait bouger les éléments dans le téléphone avec les mouvements de sa main. (Alors que c’est impossible dans Instagram). On fait de l’interactif mécanique illusionniste….

On imagine des façons de tenir son téléphone, de faire jouer le lecteur avec l’objet.
Une interactivité mécanique, simple, manuelle. Avec un outil numérique.
L’essai du pendule marche bien : voir Storie pendulo #1 puis pendulo #2
La montagne russe a besoin d’ajustements : voir Storie horizontal #1

Nous nous demandons comment faire comprendre par le premier plan et l’animation associée que l’orientation du téléphone a changé. Je veux à tout prix éviter les indications de zones de clic (je considère que c’est un échec d’ergonomie). Nous pensons à l’apesanteur : c’est ce qui détermine notre orientation en général… Nous dessinons donc un ciel, ses nuages pour suggérer une orientation du téléphone. C’est une première piste de réflexion.

Dès qu’on tourne le téléphone, les zones « image suivante » et « image précédente » se trouvent inversées dans l’interface d’Instagram : on se retrouve à reculer dans la storie au lieu de progresser.  Nous cherchons, par la narration et le dessin, comment combiner les mouvements du téléphone, les déplacements des personnages avec la logique de progression au “clic” dans Instagram. (C’est pas évident à expliquer…)

Par ailleurs, les codes de notre lecture interactive ont besoin d’être compris dès le début. On produit donc une introduction qui fait jouer tout de suite le lecteur avec son téléphone. Voir Storie introduccion

La dernière story “à la une” est la première et unique continuité de notre travail : voir story “version final”.

 

FAIRE ET REFAIRE (COMME TOUJOURS)

Pendant cette résidence, nous avons produit des dizaines de croquis, des micro-animations et nous avons testé énormément. Avec un compte Instagram “fantôme”, nous avons publié plein de stories à longueur de temps pour manipuler, tester et refaire. Le bonheur, c’était de partager ces temps de recherches graphiques avec les Rudo. D’avoir le temps de prendre le temps, de chercher, de tester des trucs avec pour seul curseur le plaisir de fabriquer.

FAIRE RÉCIT DE LA RÉSIDENCE

Nous réfléchissons à comment montrer à la fois la story interactive et le processus de création de ce laboratoire d’expériences interactives. Nous arrivons à un « journal » sur Instagram qui raconte, en timeline, comment nous avons travaillé et des stories “à la une” qui donnent à jouer les différents prototypes que nous avons produits. Nous voulons montrer comment chacun, avec son univers, ses supports de prédilection, vient vers l’autre : Rudo fabrique les animations, assure la direction artistique et produit un film “making-of” qui raconte la résidence ; je fais le récit de ces avancées sur le compte Instagram dédié et j’assure la réalisation interactive.

 

 

RENCONTRER LE PUBLIC PENDANT L’ÉVÉNEMENT « NOVEMBRE NUMÉRIQUE »

Un des objectifs de cette résidence était de produire un “truc” (toujours) pour Novembre numérique à Buenos-Aires. Notre sortie de résidence ouvrait le bal de cette manifestation.
La problématique est toujours la même : comment montrer à une audience une oeuvre faite pour les téléphones, faite pour être vécue individuellement ?

Nous avons imaginé une installation couplant vidéo et Nametag (QR code interne à Instagram). Un écran diffuse la vidéo qui montre le cheminement créatif et, juste à côté, le Nametag qu’il suffit de scanner avec son téléphone (depuis Instagram) pour accéder au compte LaFileLaFila. Il joue ainsi avec les prototypes et peut reparcourir le journal de la résidence.

 

 

LES PERSPECTIVES ENTRE-APERCUES AVEC CETTE RÉSIDENCE

Notre travail dresse une multitude de perspectives passionnantes.
Nous dépassons le format vertical. Nous créons d’autres cadres : à 360°, horizontaux, en diagonal, en torsade… Nous ouvrons du hors cadre.
Nous avons trouvé une interactivité “manuelle”, et ça, c’est le kiff absolu pour moi : du lowtech pour un objet ultraconnecté du quotidien.
Tout est faux…si le lecteur ne joue pas le jeu ! S’il n’interagit pas, ça ne fonctionne pas. Il est au coeur du dispositif et n’est plus un simple spectateur. Un récit interactif donc 🙂
Nous poussons le lecteur à jouer/tourner avec son mobile, nous le sortons d’un certain confort et ça, ça m’amuse.
Le téléphone devient un objet à la croisée du joystick, de la télécommande, du volant, de la caméra. Un super terrain de jeu !

A suivre…

La File La Fila : une histoire à vous faire tourner la tête (et le téléphone) !

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