Affiche Lady Sapiens VRLady Sapiens VR propose un voyage dans le temps : partez en 38 000 avant le temps présent et découvrez le quotidien d’une femme Sapiens.
Dans le casque, vous êtes une femme.
Vous êtes au bord d’une rivière.
C’est la fin de l’hiver, il fait encore froid. Soudain, une femme surgit devant vous.

Cette expérience documentaire interactive en réalité virtuelle d’une durée de 15 minutes est destinée à un public familial. Elle est jouable dans les musées d’histoire naturelle et dédiés à la science, dans les sites archéologiques préhistoriques, en France et dans le monde entier.

 


Retours d’expérience

Je déteste la Préhistoire.
Vraiment.
S’il y a bien une période de l’Histoire qui me glisse dessus, c’est celle-là. Alors quand Chloé Jarry et Sophie Parrault ont commencé à me parler d’un projet sur la Préhistoire, j’ai retenu ma respiration pour savoir quand j’allais leur balancer l’info. Mais je suis polie, je ne sors pas des cavernes, j’ai pris le temps d’écouter. Entre nous, j’ai bien fait.

 

Monsieur chasseur et dame cueillette

Avant de rentrer dans la fabrication, j’ai besoin de faire un détour sur le fond, sur nos imaginaires.
La paléontologie, la science qui gratte les fossiles et qui a dessiné l’imaginaire de la Préhistoire, a été créée par des hommes. Des hommes cisgenres, blancs, occidentaux, hétérosexuels, nés au 19ème siècle (pour les pionniers bien sûr). Les premiers paléontologues ont fait des magnifiques découvertes avec les moyens du bord, gratté la terre, exploré les grottes, grand bien leur fasse. Ils ont dessiné au fur et à mesure de leurs découvertes, l’imaginaire « préhistorique ». Que je me permets de synthétiser en ces quelques mots : les hommes sont des chasseurs, forts, conquérants (ils viennent de Mars) et les femmes à la cueillette, aux enfantillages et près du feu (elles viennent de Vénus). En d’autres termes, pendant très longtemps, l’imaginaire de la Préhistoire a été fabriqué par le prisme du masculin, du patriarcat et d’une domination de l’homme sur la femme. J’ai été trompée. Nous avons été trompé·es.

Depuis les années 1960/70, des femmes sont devenues préhistoriennes. Elles ont réinterrogé le travail de leurs prédécesseurs. Appuyées par des outils technologiques de plus en plus performants, elles ont fait voler en éclat beaucoup de préjugés. Des squelettes, parce que robustes et musclés, d’abord attribués au genre masculin, se révèlent être des squelettes féminins. Dingue. A l’inverse, des squelettes trouvés avec des parures, des colliers étaient forcément des femmes. Et bien non ! Les gars Sapiens aussi portaient des colliers de coquillage… En fait, il semblerait que la société Paléolithique s’organisait de façon paritaire, en fonction de l’âge et de la compétence de chacun. Le sexe (parce qu’on ne parle pas de genre au Paléolithique, on ne sait pas si cette construction sociale existait) ne déterminait en rien votre place, votre rôle au sein du clan. Mon imaginaire a alors complètement basculé. J’ai compris que j’allais aimer la préhistoire.

 

Lady Sapiens, du transmedia comme au bon vieux temps

Lady Sapiens, c’est :
– un sujet unique : la place de la femme au Paléolithique.
– une documentation scientifique rigoureuse entièrement supervisée par Sophie Archambault de Beaune, la conseillère scientifique du programme.
– un documentaire-enquête (90min et 52min) pour la télévision, une expérience VR interactive 6Dof, un film 360°, une série d’épisodes courts pour Lumni, un court métrage de 12 minutes, et enfin, un livre.
– un traitement particulier, un angle dédié, une cible par objet.
– une charte graphique commune : l’univers graphique du jeu vidéo Far Cry Primal© d’Ubisoft.

Ici, je parle des deux objets que j’ai écrits et réalisés : l’expérience VR et le film 360.

Lady Sapiens VR est une coproduction Little Big Story, France Télévisions (Recherche Narrative) et Ubisoft. La production exécutive et la diffusion sont assurées par Lucid Realities. Le programme a reçu le soutien du CNC Expériences Numériques et du département de Charente Maritime.

Lady Sapiens VR a reçu plusieurs prix : Grand prix Pixii 2021 / Prix Histoire et Nouvelles technologies Historia 2021 / Crystal Owl Stereopsia 2021 / Best immersive experience SandBox 2021 .
L’œuvre a été présentée en avant première à New Images 2021 et a été sélectionnée au FipaDoc 2021.

Lady Sapiens VR est à expérimenter au cabinet VR du Musée d’Histoire Naturelle de Paris (sept 2021 > juillet 2022), au Paléosite de St Césaire (en cours), à l’Abri de Cap-blanc (juin 2022 > sept 2022).

 

On recommence depuis le début

Pour chaque projet, je rédige une première note où je cadre mes intentions. Je m’attache à formuler le plus simplement possible ce que je veux. Je partage cette note avec les productrices. Soit on est d’accord et on travaille ensemble, soit on s’arrête là.
Pour Lady Sapiens, j’avais plusieurs conflits intérieurs à résoudre. D’abord la VR.
J’ai un énorme problème avec la VR.
J’essaie de faire des œuvres numériques accessibles, qui s’inscrivent dans les usages et le quotidien des gens, et la VR, pour moi, c’est plutôt l’inverse. Les œuvres sont trop souvent uniquement diffusées dans des festivals, condamnées à un certain entre-soi, ce que je regrette profondément. Le grand public n’est pas équipé d’un casque à la maison mais ça, c’est tant mieux, vu l’obsolescence des casques, ce serait une incohérence écologique pour moi (n’oublions pas que j’ai un Fairphone depuis 5 ans et que je suis incohérente, parce que je me suis achetée une Switch).
J’avais aussi le problème de pas aimer la Préhistoire, mais ça, je l’ai vite résolu.
Je déteste les voix off dans les documentaires.
Enfin, si je fais quelque chose en VR, je veux que ce soit interactif. Sinon, je n’exploite pas le médium pour ce qu’il est.

Je pose donc les grands principes de l’expérience :
– Vous incarnez une femme Sapiens : vous êtes vue et sentie par les autres.
– Vous avez un corps : vous voyez vos bras, vos mains, vos jambes, votre ventre.
– Vous êtes dans le monde. Vous pouvez vous déplacer dans un espace prédéfini.
– Vos mains interagissent avec des objets. Utilisation du handtracking : zéro manette pour une accessibilité maximale.
– Vos actions déroulent l’expérience.
– Un personnage « Non joueur » vous accompagne tout au long de l’expérience pour vous montrer les actions à accomplir et favoriser le mimétisme comme forme tutorielle

 

L’écriture du scénario

Vous, femme, homme, du 21ème siècle, vous retrouvez projeté dans le corps d’une femme Sapiens il y a 38 000 ans. Vous êtes perdu·e, vous ne parlez pas la langue de cette région et vous allez rencontrer une femme d’un autre clan. Comment cette rencontre se déroule-t-elle ? Lui faites-vous confiance ? Vous fait-elle confiance ? Comment intègrerez-vous ce nouveau clan ? Comment communiquez-vous alors que vous ne parlez pas la même langue ?

J’ai choisi d’écrire une continuité narrative où toutes les actions/interactions sont réussies par l’utilisateurice. Cela permet une première lecture fluide. J’isole les interactions obligatoires pour progresser dans le récit ; des interactions que je qualifie d’exploratoires : elles ne sont pas nécessaires pour déclencher la suite du récit mais récompensent la curiosité de l’utilisateurice. Ensuite, dans un autre document, je décris tous les embranchements, les scénarios d’échec, les conditions de réussite d’une action.

Je suis partie du scénario du documentaire TV pour connaître les grands thèmes abordés. Tout le scénario est d’abord validé par la conseillère scientifique puis par la production, par l’équipe éditoriale de France Télévision et, enfin, l’équipe technique d’Ubisoft.

Le scénario de Lady Sapiens VR dans sa version 9.5 est à lire ici.

 

Fabrication des scènes

La scène est un carré de 3 mètres par 3 mètres. La taille maximum de l’expérience a été définie très tôt par les productrices : elles savaient comment elles voulaient distribuer l’œuvre. Je souhaitais que l’utilisateurice déambule librement dans l’espace, passe d’un décor à l’autre par iel-même, sans téléportation, sans pointer-cliquer. Iel marche = iel entre dans un décor. J’ai donc d’abord travaillé sur papier, avec mes feutres de couleur pour réfléchir à la place des objets, à la délimitation des espaces sans que l’utilisateurice se dise qu’on lui a barré le chemin, aux lignes d’horizon et aux entrées/sorties dans les décors.

J’ai d’abord créé la carte globale en déterminant la saison, l’axe du soleil, l’heure du début de l’histoire et l’agencement des décors les uns par rapport aux autres. Au début du développement, j’espérais que nous puissions avoir une vue aérienne du paysage et descendre petit à petit dans le corps de notre personnage. J’avais donc besoin de visualiser l’ensemble.

J’ai ensuite travaillé scène par scène. Nous changerons l’ordre des scènes au cours du développement.

Toute l’expérience a été développée sous Unity. Elle réutilise les objets 3D du jeu vidéo Far Cry Primal. La bibliothèque d’objets est un vrai trésor, plus de 800 espèces végétales, des dizaines d’animaux préhistoriques, des ciels magnifiques, des personnages (enfant, homme, femme, vieillard..), des fleurs, des herbes… Nous avons modélisé quelques objets mais la plupart existait déjà.

Nous sommes passé·es par de multiples phases de test, d’animations pour valider les positions, les trajectoires des personnages, de l’utilisateurice.

 

Nous avons choisi, pour notre personnage non joueur, la femme sapiens qui accompagne l’utilisateurice tout au long de l’expérience, de tourner ses déplacements en motion capture. Les gestes étaient tellement précis et fins qu’il nous fallait les tourner spécifiquement. Le découpage des actions est alors très millimétré pour créer les bonnes boucles. 36 caméras captent 126 images par seconde, aucun mouvement de la comédienne ne nous échappe. Nous avons fait 48 « shots » en une journée. Chaque shot fait entre 5 et 45 secondes. 1 giga par seconde. C’est pas le moment d’hésiter sur les prises à garder. Le tournage s’est avéré très spatial pour moi : je ne pouvais pas rester derrière le combo, j’avais besoin d’être avec la comédienne sur le plateau à lui montrer les trajectoires souhaitées, les attitudes attendues.

Tournage MotionCapture Lady Sapiens - Trouver la bonne trajectoire Tournage Motion Capture Lady Sapiens VR - Mounia toute captée Tournage Motion Capture Lady Sapiens VR - Position T Tournage Motion Capture Lady Sapiens VR - Silex de l'époque de maintenant Tournage Motion Capture Lady Sapiens VR - Combo VR Tournage Motion Capture Lady Sapiens VR - Clap tournage Lady Sapiens

 

Emprunter des codes du jeu vidéo

J’ai d’abord convoqué la figure du PNJ, du personnage non joueur, pour structurer mes interactivités. J’avais besoin que l’utilisateurice puisse observer une personne et agir par mimétisme. J’ai donc écrit une histoire où ce sont deux femmes (l’utilisateurice et le PNJ) qui se rencontrent pour la première fois, quelque part dans une vallée de Charente Maritime. Il y a ici une mise en abime de la place de l’utilisateurice : iel met un casque, ne sait pas où iel débarque, ne sait pas qui iel va rencontrer. J’aime beaucoup quand l’état émotionnel du monde réel correspond à l’état émotionnel du monde virtuel. La mise en émotion me semble alors plus intuitive.
Lors des différentes phases de prototypages puis des tests utilisateurs, j’ai très vite constaté que l’utilisateurice osait bouger lorsque le PNJ le/la regardait dans les yeux (à tout le moins le plus possible n’est-ce pas) et l’interpellait directement. Je me suis beaucoup appuyée sur ce PNJ pour éviter toute instruction par l’interface (comme des flèches qui montrent un geste ou un bouton « help » qui viendrait me montrer ce que je dois faire). Les instructions passaient par le mimétisme : l’utilisateurice voit une femme tailler un bout de bois, intuitivement, iel attrape un morceau de bois qu’on lui tend et reproduit le geste. C’était très chouette de voir à quel point les utilisateurices (en phase de test) se prêtaient joyeusement au jeu de l’imitation.

Pour toutes les phases interactives, je souhaitais que l’utilisateurice ose manipuler, bouger, toucher. J’avais besoin qu’iel se sente en confiance dans l’espace et qu’iel comprenne ce qu’on lui demande tout en ayant la surprise de ce qu’il va se passer. J’ai choisi un code très simple de highlight, toujours dans la même couleur pour montrer les objets à activer. Cette couleur est volontairement dissonante avec la DA des décors. Un son, léger, marque le succès de l’action.

Par ailleurs, je voulais que l’utilisateurice maitrise son expérience : iel reste le temps qu’iel veut, où iel veut. Tant qu’iel n’a pas accompli l’interaction, iel reste au même endroit. J’ai alors fait face aux problématiques d’une exploitation dans un lieu avec l’objectif de faire découvrir l’expérience à un certain nombre de gens par jour. La fameuse gestion de la jauge. Il fallait donc poser une durée maximale de l’expérience. J’ai donc composé avec des règles temporelles et des règles d’accomplissement. Sur certaines scènes, l’interaction est disponible pendant un temps donné (par exemple, la peinture dans le pot diminue au fur et à mesure du temps), l’interaction si elle n’est pas parfaitement accomplie est validée au bout d’une certain nombre de tentatives (j’appelle ça l’effet magie : l’utilisateurice fait un mouvement, j’en espérais un mais iel fait autrement : c’est pas grave, je valide son geste et l’histoire continue à se dérouler). A chaque interaction, la règle s’adapte pour donner l’impression à l’utilisateurice qu’iel a le contrôle.

 

Haut les mains

Nous avons démarré le prototypage avec la technologie du handtracking. J’y tenais pour la simplicité d’usage et de préhension des objets. Nous avons beaucoup testé (Fin 2019 – premier semestre 2020) pour finalement exclure cette solution technique. Tracking décevant, erreurs d’interprétation quand les deux mains se rejoignaient, surchauffe du périphérique… Nous avons opté pour les « Vive tracker ». Ils sont très simples à utiliser : aucun bouton, seuls les gestes sont pris en compte, et bonne fiabilité dans l’interprétation des mouvements. La position des doigts n’étant pas détectée, elle est adaptée contextuellement à l’interactivité (doigt pointé, doigts repliés ou étendus) et des animations spécifiques sont jouées. La prise d’objet se fait automatiquement quand la main est assez proche de l’objet en question.

 

Une expérience multilingue dans une langue inconnue

Dans Lady Sapiens, on parle beaucoup à l’utilisateurice. Que ce soit le PNJ, la femme sorcière dans la grotte ou l’homme dans la tente : iels n’arrêtent pas de communiquer. Dans leur langue. Et vous n’y comprenez rien : c’est une langue reconstituée par Ubisoft avec une équipe de scientifiques aguerri·es. La bibliothèque de mots, de phrases était là aussi gigantesque. A moi de piocher en fonction de ce que je voulais faire ressentir : de la douceur, du mystère, de la joie, de la peur… Je ne comprenais rien du tout aux sons que j’écoutais, c’était une forme de musique. L’avantage avec cette langue inconnue, c’est qu’elle marche dans le monde entier. Lady Sapiens VR peut donc se jouer dans tous les pays du monde !

 

La version 360

J’ai écrit une adaptation de la version interactive en 360°. Dans cette version, je propose le point de vue d’une jeune femme du 21ème siècle qui découvre que le Paléolithique qu’on lui avait raconté n’était pas vraiment comme ça. Dans ce film de 5 minutes, on retrouve plusieurs scènes de la version interactive dans une version linéaire.

 

Une expérience grand public à jouer dans les musées

Lucid Realities a assuré la mise en scène de l’expérience VR dans différents musées. Lady Sapiens est une attraction (j’aime beaucoup ce mot) proposée dans le parcours permanent du Paléosite de St Césaire. 5 personnes font l’expérience en même temps.

 

 

L’équipe

Ecriture et réalisation : Camille Duvelleroy
Conseillère scientifique : Sophie Archambault de Beaune
Producteur délégué: Little Big Story – Sophie Parrault
Coproducteurs: Ubisoft, France Télévisions
Producteur exécutif: Lucid Realities, Ubisoft
Avec le soutien du CNC et du Département de la Charente Maritime
Distributeur: Lucid Realities

 

 

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