Les Burgers Volants est une fiction interactive tournée et jouée en direct sur Twitch et YouTube le 10 octobre 2024. C’est la première fois qu’ARTE se lance dans une telle aventure. Le direct a duré 2 heures, engagé 17 interprètes au plateau, près de 40 techniciennes et techniciens, 13 caméras en temps réel et synchronisées, 712 pages de scénario (dans sa première version), 46 sondages possibles, 71 branches, 19 fins différentes (dans sa première version). Il n’y a eu aucun « coupez » « on la refait » « pause technique ». Rien ni personne n’a pu s’arrêter pendant ces 2 heures. Personne ne savait que cela durerait 2h. C’était excitant. C’était impressionnant.
Je ne l’avais jamais fait.
2 ans plus tôt, Fabien Giurgiu m’appelle et me propose d’intégrer une équipe de scénaristes pour imaginer une fiction interactive sur Twitch. C’est un format qu’il veut développer depuis un certain temps. Je ne suis clairement pas quelqu’un qui navigue dans le monde Twitch mais je suis curieuse. Je me suis joyeusement confrontée à de multiples dispositifs interactifs avec d’autres programmes mais la fiction interactive en direct, jamais. Alors je dis oui. Si je le réalise.
Il me dit oui.
POST MORTEM
Quelques repères temporels pour commencer
– 2 mars 2022 : premier mail de Fabien Giurgiu.
– Octobre 2022 : ARTE s’engage en prédéveloppement.
– Novembre 2022 : l’équipe des scénaristes est au complet, Olivier Descargues, Iris de Jessey, Rémi Giordano et moi-même. Florent Maurin nous accompagne sur le design interactif.
– Avril 2023 : je quitte l’équipe d’écriture, je pars en tournage sur Patience mon amour 2. Léna Mardi rejoint l’aventure. Puis Rémi s’en va sur son court métrage.
– Décembre 2023 : livraison des arches narratives.
– Décembre 23 : dépôt dossier demande d’aide au développement CNC fonds d’aide à la création immersive (obtenue).
– Mars/Avril 24 : dépôt des dossiers de demande d’aide à la production CNC fonds d’aide à la création immersive + Région Grand EST aide à la production audiovisuelle et nouveaux médias fiction (obtenues).
– Mars/Avril : casting des premiers rôles.
– 4 juillet : lecture avec les premiers rôles.
– 10 juillet : repérages décors à Metz – validation du décor à Bliiida.
– 29 juillet : livraison du scénario définitif par les scénaristes : 728 pages.
– 28 août : casting seconds rôles à Metz.
– 29-30 août : repérages techniques à Metz.
– 9 septembre : semaine 1 de répétition avec les comédien·nes.
– 19-20 septembre : découpage technique (sur table)
– 23 septembre : semaine 2 de répétition avec les comédien·nes.
– 28-29 septembre : découpage technique (in situ)
– 30 septembre : livraison du scénario de tournage : 427 pages.
– 7 octobre : installation de la technique dans le décor.
– 8, 9 et 10 octobre : répétitions
– 10 octobre : direct à 19h30 sur Twitch, YouTube et arte.tv.
L’écriture
Les Burgers Volants est une fiction interactive écrite à plein de mains. Fabien, le producteur, voulait une équipe avec des profils de scénaristes complémentaires. Certains viennent de la fiction, télé, série, d’autres du théâtre d’improvisation, du jeu vidéo, des écritures interactives. Au départ, nous étions 4 : Olivier Descargues, Iris de Jessey, Rémi Giordano et moi-même. Florent Maurin nous a accompagné sur le design interactif.
Au début de l’écriture, ça démarre comme tout travail d’écriture. Choisir l’arène, définir les personnages, préciser le genre… Avec une règle du jeu supplémentaire : l’interactivité. Un des grands enjeux était d’intégrer, dans la caractérisation des personnages, les enjeux interactifs de notre récit.
Les Burgers Volants, c’est un dispositif où le public choisit la suite (intégralement scriptée) de l’histoire. Faisons du choix la problématique de nos personnages : Qu’est-ce que choisir ? Nos choix déterminent-ils qui nous sommes ?
Nous imaginons deux personnages différents : l’un n’arrive pas à prendre de décisions, l’autre fonce tête baissée. C’est ainsi que Malik se met en quête de signes à tout bout de champ pour savoir quoi choisir, au risque d’agacer son entourage, et que Lou avance toujours un peu trop vite, sans forcément demander l’avis de son meilleur ami…
Notre outil interactif, le sondage, incarne les choix de nos personnages : Malik fait des choix longs, hésitants = durée du sondage longue, Lou fait des choix rapides = durée sondage courte.
C’est avec ces deux règles, simples, que nous avons posé les principes de notre fiction interactive. J’ajouterai que l’autre règle, c’était de concentrer les choix sur nos 2 personnages principaux : Lou et Malik.
Une des demandes d’ARTE est que toute l’histoire soit écrite et contrôlée par le scénario. Il n’est pas question de laisser place à l’improvisation, que le public choisisse librement de la suite. Tout est donc écrit.
Nous avons choisi notre outil : Twine. Avec cet outil, simple et gratuit, dédié à l’écriture de fiction interactive, nous pouvions construire toute l’architecture de l’histoire avec ses embranchements. L’intérêt aussi de cet outil est qu’il exporte une version interactive du texte : d’un simple clic, on passe à la branche suivante. Ainsi, nos différent·es lecteurices traversaient le récit de façon dynamique et interactive.
J’ai eu le temps de poser ces prémices puis j’ai ensuite quitté l’équipe d’écriture pour partir en développement sur Le Grand Procès et le tournage de Patience mon amour 2. Léna Mardi est venue rejoindre l’équipe alors que Rémi partait sur son long métrage.
Je suis restée à distance sur la suite de l’écriture, j’ai simplement lu et fait des retours. J’ai repris le scénario en phase de préparation-réalisation en septembre 2024.
C’est sur cette deuxième phase que je vais prendre un peu plus de temps dans ce post mortem. Phase que j’ai traversée avec Charlotte Marrel et Juliette Esch, toutes les deux assistantes à la mise en scène. En vrai, mes bras droits.
Au gré des différentes lectures, nous nous sommes rendus compte qu’il était nécessaire de nommer les séquences. D’habitude, on les numérote mais là, vu que tout était en cours d’écriture et s’imbriquait entre les branches de branches, avec parfois des variables, nous avons opté pour une double nomenclature. Chaque séquence s’est ainsi vue baptisée d’un nom clé du type « Séquence Désert de Gobi » et d’un numéro. Cela semblait plus simple et plus souple. Les noms des séquences étaient encore utilisées le jour du direct par notre script.
Je dois dire que lire un Twine dans son intégralité prend un temps de dingue. Il me fallait des fois 2 jours entiers pour lire, annoter, commenter et ensuite envoyer aux auteurices mes retours. Twine présente un défaut majeur : on ne voit pas les évolutions entre les versions.
L’astuce à penser : ajouter un code CSS pour mettre en couleur les évolutions de scénario / dialogues des différentes versions.
Au fur et à mesure des relectures, je me suis rendue compte que je n’arrivais pas à m’approprier le Twine comme outil de travail. Il était un très bon outil de lecture, pour traverser le récit, mais pour structurer ma pensée et les scènes, je n’y arrivais pas. Alors, petit à petit, j’ai monté un fichier excel, basique de chez basique… Une case = une séquence. J’ai remonté ma propre arborescence qui me donnait du recul sur la structure. J’arrivais ainsi à visualiser les scènes qui se répètent, à structurer les déplacements dans les décors et à voir les longueurs. Je commençais à entrevoir des coupes, aussi.
En effet, avec les Burgers Volants, le montage allait se faire en direct. Je n’allais pas pouvoir me caler sur le banc de montage et constater, avec du recul, après tournage, qu’il faut couper, que c’est trop long, que notre personnage se répète…
Un chiffre, que je n’ai jamais vérifié, dit que 30% de ce qui est tourné finit dans la poubelle et n’est pas monté. Je pense qu’on arrive à peu près à la même chose entre la version des scénaristes et la version « tournage ».
Je savais aussi que ce que nous ne jouerions pas en direct, allait exister dans la version “interactive” textuelle (bientôt jouable ici). Ces coupes n’étaient donc pas définitives. L’idée, c’était d’arriver à une forme qui soit excitante à jouer pour le live et de gagner en efficacité dans le travail pour les comédien·nes et les technicien·nes. Le temps jouait contre/avec nous, nous avions 6 semaines pour tout préparer (28 aout > 10 octobre), dépouiller, découper, accessoiriser, mettre en lumière, costumer et mémoriser. Ce qui prend plusieurs mois sur un tournage classique venait se condenser en très peu de semaines.
Ce fut la tempête.
Je me souviens de Juliette qui disait
« Si je dors 1 heure de plus, je perds une heure de travail. »
Les nuits ont été très courtes en septembre 2024.
Alors, nous avons coupé, lissé, recoupé, relissé tout le mois de septembre. Après échange avec les comédien·nes, nous sommes arrivés à une règle : si une même scène arrive dans deux branches, leurs dialogues doivent être exactement identiques. Si une variable s’est glissée dedans, c’est une autre scène, avec un autre nom et on la recopie colle dans le scénario, dans son intégralité.
Il y avait un moment où nous nous envoyons tellement de mails que nous horodations nos fichiers dans notre ping pong « LBV-sequencage-080924-CD 23H59.xlsx » « LOU-VOLE-OTAGE-021024-CD-23H30.fdx » « OTAGE PERSOS-021024-CD-18h20.fdx »…
Nous sommes revenues à une forme très classique de scénario : des fichiers sous Final Draft et des fichiers excel pour suivre la structure. A la fin, nous avions 3 fichiers pour les dialogues : l’intro « le début commun », la branche « Animaux » et la branche « Personnage » et un fichier excel pour la structure, le fameux « Séquençage ».
J’ai donc complètement évacué le Twine de notre méthode de travail. Pourtant, au départ, je pensais qu’il serait notre conducteur pendant le direct. Mais il s’avère que cet outil est inutilisable pour préparer un tournage. On ne peut rien annoter, on ne peut pas sortir des données simples comme le nombre de scènes dans tel décor, on ne peut pas incrémenter une numérotation et surtout, les comédien·nes ne peuvent pas le stabiloter. Il y a un moment où le papier est encore l’outil le plus pratique pour préparer une fiction interactive diffusée sur Twitch…
« Mon stabilo a séché, ça m’était jamais arrivé. J’attendais 10min pour pouvoir m’en resservir » m’a confié Ana Blagojević, qui interprète Lou.
Pascale Marin, cheffe opératrice des Burgers Volants, s’est construit sa propre arborescence pour traverser les textes et préparer le découpage. Elle s’est fabriquée, elle aussi, un fichier Excel. Charlotte, elle, a construit une première continuité avec Draw.io. Les comédien·nes se sont fabriqués des outils bien à eux, des chemins simplifiés, des post-it dans tous les sens.
« Je reprends mon scénar la semaine suivante et là, je bloque : je ne sais plus pourquoi les post-it rouge sont devenus orange… Nouvelle branche ? Variante ? Et puis je me souviens : c’est juste que j’étais arrivée au bout de mon stock de post-it rouge. » Laetitia Vercken, qui interprète Ophélie.
La représentation « physique » de ce scénario poulpe fut en soi une aventure tentaculaire. Et chacun·e y allait de sa méthode.
Une fiction interactive, c’est, aussi, faire des deuils. A plein de moments du processus, on a expérimenté qu’il était très compliqué de les faire, ces deuils. On lit une scène et on se dit « elle est trop bien, il faut absolument que le public la voit ! ». Alors elle est rajoutée dans toutes les branches. C’est ainsi que la scène des « Marcheurs alsaciens » est partout.
Il faut savoir choisir et abandonner des pistes si on joue telle branche. Chaque branche doit avoir son point fort, son originalité, sa raison d’être. C’est bien plus facile à écrire maintenant qu’à choisir sur le moment…
La multiplicité des embranchements vient par ailleurs se percuter à une logique d’efficacité et de rationalisation budgétaire. Si tu convoques tant de rôles secondaires pour une seule branche et que c’est la branche qui ne joue pas ce soir-là, bah tu rémunères des gens qui ne jouent pas. Donc chaque branche doit avoir le même nombre de seconds rôles. S’ils ne jouent pas les mêmes rôles, attention à la chronologie croisée des branches : si Joachim joue Rayan en séquence 201 mais qu’en 212, il joue Robert si on prend telle branche, alors, faut bien avoir anticipé qu’il se soit changé. Etc, etc.
Le scénario d’écriture ne cesse de se confronter à la réalité de la préparation du direct, aux décors, à l’espace de ces décors (les distances entre deux décors par exemple), aux contraintes techniques du direct, aux images que je veux réaliser. C’est la première fois que je réalise un texte que je n’ai pas écrit, à moi aussi de faire des deuils et d’accepter que telle scène ne peut plus se jouer comme elle est écrite.
Les prises d’otage étaient par exemple un enjeu complexe et excitant.
A l’origine, il y avait au moins 8 configurations de bagarre qui impliquaient parfois les Marcheurs alsaciens, parfois Valentin. Je fais preuve de réalisme pour arriver à 3 configurations au final et uniquement avec les 6 rôles principaux. Pour le direct, nous avons donc la version où Monique prend tout le monde en otage avec son Taser, une où Ophélie prend tout le monde en otage avec son taser (qui est devenue une double prise d’otage après les ajouts en répétition avec les comédien·nes) et la dernière où Boris prend tout le monde en otage avec des clés qu’il menace d’avaler (il est vraiment désespéré à ce moment).
L’autre adaptation nécessaire se porte sur les scènes où des dialogues se déroulent en parallèle dans un même espace. Tout se déroule en direct, aussi lorsque les comédien·nes sont sur le décor toustes ensemble, iels s’entendent toustes parler, iels sont à vue les uns des autres et le temps est le même pour toustes (comme dans la vraie vie quoi). Je ne veux pas du tout jouer d’effet lumière comme au théâtre qui peut assumer par exemple de mettre une comédienne sur pause, dans le noir et l’autre continue à parler, comme à lui-même. Vous voyez le genre de scène ? Bon, bah aux Burgers Volants, c’est pas du tout l’esprit, on est dans du réalisme, du temps réel. Je redécoupe donc certaines scènes pour qu’elles se déroulent dans plusieurs décors et dans une continuité temporelle cohérente.
Enfin, le dispositif des Burgers Volants a fait que le direct n’a été joué qu’une seule fois. Cela signifie, quand tu écris, que tu sais qu’une énorme quantité de textes écrits ne sera jamais jouée, jamais vu par les spectateurices. La tentation est grande de se dire que cela ne sert à rien d’écrire autant de versions, que de toute façon, personne ne saura. Je suis persuadée que c’est parce que tout a été écrit avec talent et exigence qu’il est frustrant de se dire que tout ne sera pas joué. La frustration, inhérente au processus et au dispositif, est ici au bénéfice du programme.
Le casting
Je sais que je vais avoir besoin d’interprètes capables d’encaisser 2h (voire plus) de direct, de gérer leurs stress, d’être autonomes au plateau (je serai en Car Régie), d’improviser face à l’imprévu : j’ai besoin d’interprètes venant du théâtre. J’ai aussi besoin qu’iels sachent se placer par rapport à une caméra, ne pas être en commande dans un plan, ne pas prendre la lumière de l’autre: j’ai donc besoin d’interprètes audiovisuels.
Avec Angélique Luisi, ma directrice de casting préférée, je lui explique cette double casquette. Pas de problème me dit-elle. Je l’embête un peu plus quand je lui explique que je veux que chaque comédien, chaque comédienne ait un partenaire de jeu pour passer l’audition. Et cela deviendra encore plus casse-tête pour les call-back (le deuxième essai) : je veux qu’iels passent par 6. Les Burgers Volant, en effet, c’est 6 rôles principaux.
Au premier tour, je les fais donc venir 2 par 2. Deux comédien·nes (chacun·e pressentie sur un rôle différent) avec une majeur théâtre viennent jouer ensemble pendant 45 minutes. C’est filmé mais le cadre m’importe peu. J’ai besoin de voir comment iels se rencontrent, s’amusent, improvisent, comment on s’écoute, comment on invente ensemble.
Au second tour, 1 mois plus tard, nous passons 2h, ensemble, à 6, pour jouer une scène chorale de 8 minutes environ.
Fin avril, nous avions notre casting des premiers rôles.
Dans le courant du mois de juin, Ponce nous confirme sa présence pour le tournage. Nous cherchons depuis le début un streamer assez fou et talentueux, pour accepter de jouer une fiction en direct. Nous avons déjà en tête le dispositif du direct, à savoir un prélive et un post live, nous voulons donc que notre streamer joue et « encadre » le direct. Intégrer un streamer dans l’équipe, dans le scénario, c’est aussi jouer avec les règles du jeu de Twitch : on s’amuse avec la mise en abime du streamer dans une fiction sur Twitch.
Pour les rôles secondaires, je suis le même protocole que pour les premiers rôles. Le casting a cette fois lieu à Metz, toute fin août. Le premier tour se fait avec des Tape, août et vie à Toulouse oblige.
Début septembre, le casting est complet.
Lou : Ana Blagojević
Malik : Ike Zacsongo-Joseph
Boris : Théo Navarro-Mussy
Ophélie : Laetitia Vercken
Monique : Sophie Mounicot
Jerem : Matthieu Penchinat
Le client relou : Ponce
Le client mystère : Ponce
Valentin : Théodore Diou-Hirtz
Dame cantine : Isabelle Perard
Les marcheureuses : Françoise Demange / Yannick Hornecker / Jean-François Legonin / Sylvie Prévot
Le futur marié : Haroun Elghazi
L’amie témoin : Marie Lissnyder
L’ami témoin : Thiago Menezes
Le musicien : Josy Basar
Figuration : Elea Amsinger / Morgane Chalet / Dorian Hernando
Les repérages
Les 29 et 30 août, l’équipe technique se réunit au complet dans les locaux de Bliiida, lieu de notre tournage. Je rencontre Via Storia en vrai pour la première fois, après de multiples visio. Ils vont assurer toute la mise en place technique du direct.
Nous démarrons avec Pascale Marin, cheffe opératrice, par penser la place des caméras fixes. Elles vont tout déterminer : la lumière, le câblage, les accroches et bien sûr, les plans.
Charlotte et Juliette ont préparé le nombre de scènes par décor, nous pouvons ainsi traverser de façon synthétique le scénario et tenter d’envisager les différentes configurations de réalisation nécessaires.
La première chose sur laquelle je dois faire une concession, c’est sur le camouflage des caméras fixes. Nous ne pouvons pas parfaitement les dissimuler dans le décor. Chaque caméra PTZ (Pan – Tilt – Zoom) tourne à 360° sur elle-même, monte, descend, zoome. Bref, elle a besoin de bouger dans tous les sens, tous les axes. Donc avoir le champ libre devant elle. Je mets donc à la poubelle les idées de camouflage des caméras. Au final, et c’est assez marrant, les gens ne les ont pas vues pendant le direct alors qu’elles étaient complètement, à vue, justement. On les a quand même mis dans des endroits discrets…
L’autre chose que je réalise, c’est qu’un direct, c’est des dizaines et des dizaines de câbles qui sont tirés pour raccorder ces caméras au Car Régie. J’ai l’impression de voir le schéma d’internet en miniature. Le numérique n’a rien d’immatériel, bien au contraire.
Je fume bien de la tête quand l’équipe de ViaStoria nous explique les problématiques émetteur-récepteur pour les oreillettes des comédien·nes. L’histoire se déroule dans plusieurs décors, le bus est par exemple à 70 mètres (environ) du snack. Le récepteur son du snack n’a pas une portée suffisante pour aller jusqu’au bus donc on met un deuxième récepteur. Jusque là, je pige. Après, le souci, c’est quand 2 zones d’émission se rencontrent, les ondes peuvent s’embrouiller l’une l’autre, pas savoir sur quel récepteur aller et plus aucune ne marche (je crois, ou alors ça fait des grosses interférences). Donc faut gérer des récepteurs qui fassent copain-copain avec les autres et qui se superposent pas trop. Et il faut que les émetteurs émettent je sais plus quoi… Mais bon, bref, c’est compliqué les oreillettes.
Dans tous les cas, comme souvent, il faut que ça marche parce qu’il est hors de question que les interprètes n’aient pas d’oreillette. Et ça a marché. Avec quelques interférences néanmoins dans les oreilles de nos comédien·nes qui ont dû apprivoiser cette contrainte nouvelle pour elleux.
Enfin, pendant ces repérages, je rencontre l’équipe HMC (Habillage – Maquillage – Coiffure), Justine Valence et Louise Antezak-Corseret, la cheffe déco, Amanda Coelho et Josy Basar, notre futur musicien. Notre équipe est au grand complet !
Les répétitions en scotch
Pendant toute la préparation des Burgers Volants, je n’ai pas accès au décor. C’est un restaurant en activité. Nous y arriverons le lundi et attaquerons la première répétition dans le décor le mardi 8/10. 2 jours avant le direct. Autrement dit, il va nous falloir répéter avant les plusieurs centaines de pages du scénario.
Nous sommes face à une quantité de textes énorme, aucun d’entre nous n’a déjà joué ou réalisé un live et nous aurons très peu de temps à Metz. J’ai une conviction, nous devons faire corps, faire troupe et partir toustes ensemble dans cet inconnu avec une conviction : on va s’amuser. Même si on va toustes avoir la trouille, même si on se ramasse, on sera ensemble et on va se faire plaisir.
Nous commençons le travail sur le texte par une lecture sur une journée, début juillet, aux bureaux de la production avec les rôles principaux. Je pensais que nous aurions le temps de traverser au moins toute la branche Animaux et de découvrir plusieurs fins. Je crois que nous ne sommes arrivés qu’à la moitié d’une première branche. Les questions fusent de partout, on discute plus qu’on ne lit, on ajuste des répliques, les personnages trouvent leurs intonations, on prend plein de notes.
Nous trouvons un plateau de répétition à Montreuil, chez Laura Benson. Un lieu vide de 80m2. Pendant 2 semaines de septembre (non consécutives), nous y travaillons. On y est bien. Pour figurer le décor, nous construisons des modules en carton, scotchons les murs au sol, écrivons des mots clés sur le sol, les tables. La géographie du lieu se réinvente : l’« ilot », « l’espace bonbonne », « la réserve », « le bus » trouvent leur place. Nous déplaçons les cartons en fonction du sous décor dans lequel la scène se déroule.
Nous, c’est Charlotte Marrel et moi. Charlotte est ma première assistante à la mise en scène, je fais tous mes projets audiovisuels avec elle. Nous menons les répétitions toutes les deux. Elle prend en note les modifications de texte, apporte son point de vue sur le jeu, souffle le texte et donne la réplique pour les rôles qui ne sont pas là. J’ajuste les intentions, les déplacements, coupe (encore un peu), réécris des bouts de texte avec les comédien·nes, trouve les break musicaux. Gabriel filme toutes les répétitions. Ce fut très précieux de pouvoir les revisionner quand on reparlait des scènes au découpage avec Pascale.
Avec Ana, Ike, Laetitia, Théo, Sophie et Matthieu, nous explorons les centaines de pages du scénario. Je choisis les embranchements pour que nous les travaillions tous. Théodore, qui interprète Valentin, nous rejoint un jour pour caler ses dialogues.
Ma méthode est simple : nous faisons des « traversées ». On part du début et on traverse le texte dans son intégralité : nous ne lisons jamais les alternatives, nous avançons tout le temps jusqu’à arriver à une des fins. Au début une traversée pouvait durer toute la journée. A la fin de Montreuil, nous faisions une traversée le matin et l’après-midi, une seconde. Le lendemain, nous passions à une nouvelle branche en repartant du début. C’est le rythme que nous allions avoir à Metz : une répétition à 14h et une générale le soir.
Pascale Marin, la cheffe opératrice, est venue assister à plusieurs répétitions. Kilian Sturm, notre script, est aussi venu rencontrer les comédiens. Fabien et Lama, d’ARTE, aussi.
La petite histoire du script, elle est pas mal. J’étais persuadée que nous n’en aurions pas besoin : après tout, nous tournions dans la continuité, les comédiens allaient manipuler eux-mêmes les accessoires, donc pour moi, une fois la « mise » faite (l’état de départ du décor), on était tranquille. On allait juste avancer dans le scénario. Ce qui est bien dans la vie, c’est que tu peux changer d’avis et te rendre compte que t’as dit une énorme bêtise. Au delà des questions de continuité narrative que Kilian a posées (car nous avions encore quelques incohérences dans nos embranchements malgré les multiples repasses), Kilian est LE chef d’orchestre d’un direct. C’est lui qui annonce les plans à venir, les caméras à mobiliser, les débuts de sondage, les conséquences du sondage, en gros, il tient la baraque quoi !! Le nombre de fois où je lui ai dit pendant les direct à Metz « On en est où là ?? »…
Par contre, on n’a jamais vraiment eu le temps de minuter précisément les versions. Kilian est arrivé tard dans l’aventure, il lui fallait déjà construire son arborescence du direct.
Le découpage
Sur un tournage classique, en fonction des jours, on se dit, on va tourner telle scène, tel jour. Tel jour, on va faire tant de plans. Tel plan sera cadré ainsi. Tel plan aura son contre-champ (ou pas). Chaque jour, on a le temps de changer d’avis, de se dire que tel plan serait mieux et de refaire des prises. On tourne environ 5minutes utiles par jour. Là, on va tourner tous les plans, toutes les scènes en ? heures (parce qu’on ne savait pas encore combien de temps cela durerait) sans jamais revenir sur une prise. Nous avons 5 répétitions avant le direct pour nous caler. 5 répétitions avec une équipe qui n’a jamais bossé ensemble pour fabriquer un tel truc.
On prend donc son petit logiciel, Shot Designer, et on se met au travail, on découpe tout AVANT.
Pascale Marin, cheffe opératrice des Burgers Volants, prend en main ce travail titanesque. Titanesque : nous avons 331 séquences à découper.
Pour comparaison, Patience mon amour Saison 2, c’est 106 séquences tournées en 21 jours pour 100min de fiction.
La première chose, c’est de récupérer un plan précis de nos décors. Puis on choisit les couleurs des petits ronds : ce sont nos personnages. Bleu pour Lou, Rouge pour Malik, Jaune pour Boris, vert fluo pour Ophélie, Violet pour Monique et Bleu turquoise pour Jerem. On nomme les caméras.
A : caméra snack, B : caméra dans la hotte, C : caméra salle Snack, D : la réserve, E : bureau Boris, F : bureau Boris, G : musicien, H : parking, I : entrée bus, J : intérieur bus, K : extérieur bus, P : caméra portée, S : caméra Stead.
Astuce pour la prochaine fois : donner des numéros et non des lettres aux caméras. En effet, dans l’énergie du direct, dans le car régie, quand je disais « P », des fois Steeve, il entendait « B ».
Nous avons donc 13 caméras à chorégraphier. 11 sont fixes (A > K, caméras PTZ : des Sony FR7 et des Panasonic UE150) et 2 sont « mobiles » (P et S) (Caméras Sony FX9). Dans le scénario, certaines scènes se répètent dans les branches. Nous pensions avec Pascale qu’il nous suffisait d’impacter le même découpage. C’était trop beau. En effet, en fonction de la scène précédente, le dispositif de caméras n’est pas le même et parfois la caméra P se retrouve au Bus et ne peut pas être en même temps dans le Snack.
Bref, une séquence = un découpage.
L’avantage des caméras fixes, c’est qu’elles ne bougent pas (indeed). Il s’agissait donc de déterminer qui elle cadre, quelle valeur de plan elle prend.
Nous avions un doute avec Pascale sur la qualité du mouvement de ces caméras : le mouvement semblerait-il naturel ou saccadé ? Elles sont pilotées par joystick depuis le car régie. Avec Maël au commande, ça s’est super bien passé.
Forcément, moi, je préférais l’image de la caméra portée, l’image dans les épaules, les amorces qui bougent, les plans qui glissent dans le décor, les plans travelling, les mouvements quoi. Donc, par défaut, je voulais les caméras P et S partout ! Mais c’était pas possible. Alors avec Pascale, on a découpé en cherchant à intégrer le plus possible les P et S (je réalise soudainement que ça fait Partie Socialiste).
Autre astuce pour la prochaine fois : avoir une seule caméra dans un décor, comme la D dans la réserve, offre un temps de relâche pour toute la technique. En effet, cette caméra ayant un seul champ, limite plus besoin de regarder l’image quand on est dans le car Régie, on pouvait anticiper les plans suivants avec Kilian et Pascale.
A l’inverse d’un tournage classique où un découpage peut se réécrire au plateau, nous avons scrupuleusement suivi le découpage pendant le direct. Avec les aléas du direct : donner l’ordre (oui, parce qu’on donne des « ordres » pendant un direct) à Baudouin (cadreur de la caméra P) de partir sur un décor trop tôt et il me manque la caméra P sur la séquence précédente mais ça, c’est le direct.
La difficulté avec un découpage si précis, c’est qu’il faut que les interprètes se positionnent parfaitement par rapport au découpage. Elleux doivent mémoriser, en plus du texte, tous ces déplacements. Là aussi, lâcher-prise, faire confiance et s’appuyer sur des cadreurs vifs, attentifs, rebondissants sur les imprévus.
Nous avons eu besoin de confronter le découpage au décor en amont de la semaine du direct. Nous sommes retournées, Pascale, Juliette, Charlotte et moi-même, sur le décor pendant 2 jours avec nos papiers et 3 comédien·nes silhouettes pour réviser tous les déplacements. 2 jours, plein, n’ont pas suffit à tout traverser. Juliette et Charlotte ont commencé à voir le vertige du nombre de « TOP » à donner pendant le direct.
Nous avons (presque) terminé le découpage le lundi matin de la semaine du direct.
La musique
Avec les Burgers Volants, c’est la première fois que j’ai la musique composée AVANT l’image. Et c’est absolument génial. En plus, quand c’est composé par Josy Basar dont j’ai découvert le travail en cherchant à travailler avec un artiste de la scène locale, c’est le bonheur.
Depuis le début,
je voulais d’un live dans le live
je voulais que la performance soit complète
je voulais que ce soit une surprise dans le direct.
J’ai choisi l’arrivée d’Ophélie pour, à la fois, lancer le premier morceau de musique en direct et révélé la présence de Josy Basar sur le décor dans le plan séquence de l’arrivée d’Ophélie. La communauté Twitch a adoré cette surprise. C’est très joli d’ailleurs de voir tous ces emoji qui dansent dans les commentaires.
La musique me sert à plusieurs choses : créer l’identité sonore de notre direct, créer une respiration dans l’histoire, marquer un break émotionnel, résoudre un problème de déplacement de personnages et/ou de caméras : il faut le temps que tout le monde se mette en place pour la séquence suivante. Il y avait un embranchement, celui entre la branche « Animaux » ou la branche « Personnage » (le plus gros embranchement de l’histoire) où il fallait habiller et maquiller 3 interprètes après le vote du public en 3 minutes. Là, j’ai posé un break de 5minutes avec le morceau « Opossum ». Ça permettait aussi à tous les interprètes de faire une pause et de réviser leurs textes. Enfin, dans certaines scènes, il manquait des dialogues ou du temps pour que le public vote. J’ai donc ajouté de la musique.
Josy Basar a très vite posé le thème et nous nous sommes entendus sur une dizaine de morceaux. Grâce aux premières répétitions à Montreuil, j’ai pu placer les morceaux où je voulais dans les différentes branches. Certains morceaux ne jouent que dans une seule branche. Bette-Rave ne joue que dans la branche « Lou ne vole pas » par exemple (qui a été joué pendant le direct d’ailleurs). Josy Basar prend en charge des tout petits bouts de dialogue quand Lou interagit avec son téléphone par exemple. Il a aussi composé les instrumentals de RAP de Jereminem et le son « Sugar Pop » de Valentin.
Les deux personnages principaux ont leur thème. Celui de Malik est construit autour du morceau « Voyageur sédentaire », celui de Lou autour du morceau « La ligne ». Josy Basar a ensuite imaginé des paroles adaptées à la séquence qui venait de se jouer. Chaque thème évolue et se décline en fonction de l’évolution de l’histoire. Josy Basar glissait des mots qui faisait écho à l’état du personnage. La musique assume clairement un rôle narratif dans les Burgers.
Au cours des répétitions à Metz, je me suis rendue compte que les comédien·nes dansaient pendant les morceaux. J’ai saisi ce moment et c’est rentré dans la grammaire du direct : sur certains morceaux, je fais des plans de coupe où l’on voit Boris ou Malik danser. C’est complètement méta, pas du tout dans la narration, mais c’est beau, comme un état suspendu.
L’’installation et les répétitions
Avant le direct, le planning est précis et dense. Nous avons 3 jours et demi avant le direct du jeudi à 19h30. Le lundi est dédié à l’installation technique, les mardi, mercredi et jeudi après-midi aux répétitions avec les comédiens.
LUNDI
Chaque jour de tournage, j’écris une note dans la feuille de service.
Note à l’équipe :
Proverbe du jour : A chaque histoire, son jeudi tu chériras.
Pour beaucoup, aujourd’hui est le premier jour. Premier jour à Bliiida, nouveaux visages, nouveaux prénoms. Premier jour où chacun·e travaille avec l’autre. Premier jour pour une seule fois. Nous allons toustes travailler à la réussite d’une soirée, celle du 10 octobre. Un jeudi. C’est mon jour préféré dans la semaine.
D’autres ont démarré leur premier jour depuis bien plus longtemps. Les scénaristes, il y a deux ans. Les comédien·nes, depuis avril. La mise en scène depuis juillet et tant de nuits. La déco, les costumes depuis la fin de l’été. Et vous, ici, à présent.
Je sais que chacun·e a travaillé, réfléchi, anticipé, préparé. Mais nous sommes vivant·es et nous allons fabriquer du vivant en direct, alors si jamais, ô jamais, l’imprévisible, l’accident, ou pire, une montagne, surgissent, regardons-les et apprenons avec.
Ce que l’on va faire ensemble, je ne l’ai jamais fait. Je ne vous cacherai pas que c’est bien pour ça que j’ai très envie de le faire.
J’ai hâte d’aujourd’hui. Bonne première journée.Musique du jour : One Night/All Night de Justice
Lundi matin, le car régie et toute l’équipe de Via Storia débarquent avec tous leurs câbles et leurs caméras. Ils s’installent.
Amanda, cheffe décoratrice, termine le bureau de Boris. Elle aménage le bus ensuite.
L’équipe lumière cherche par où passer ses fils. Par la fenêtre de gauche ? Par le faux plafond ?
Ça fourmille de partout.
Avec Pascale, nous attendons avec impatience la connexion des caméras pour découvrir nos premiers plans et valider aussi nos axes. Nous devons terminer le découpage.
La presse locale est venue nous interviewer. C’est pas tous les jours qu’une fiction se joue en direct sur Twitch à Metz.
Je découvre les oreillettes « espion ». Elles sont bien plus grosses que je ne pensais. Je me dis à ce moment que les espions n’ont pas ces oreillettes.
Avec Pascale, on change les positions des caméras E et F dans le bureau de Boris. Et nous changeons aussi la déco.
Je découvre la première organisation de la mosaïque vidéo.
On met en place un premier schéma d’intercom : qui peut parler à qui.
Les comédien·nes arrivent les un·es après les autres dans la soirée et découvrent « leur » snack, le fameux Veggie BunBun.
La nuit arrive enfin. Nous devons encore étalonner. Nous sommes fatigué·es, on repousse à demain.
MARDI
Feuille de service mardi 08/10/24
Note à l’équipe :
Proverbe du jour : Au monstre tu souriras.
Nous voici au pied du monstre.
Aujourd’hui, nous allons traverser notre première répétition en allemande puis notre premier filage. Nous allons faire ce que le théâtre appelle “notre monstre”. Un monstre plein de bras, de câbles, de buns veggie, de switch de caméra, de nos premières lumières de nuit, de TOP, des premiers sondages sur Twitch, des premiers rires de nos comédien·nes. Un monstre qui va nous casser quelques dents, nous bousculer dans certaines certitudes. Ce monstre sera vertige. C’est aussi pour ça qu’on est là.
Nous allons jouer la branche Animaux – “Lou ne vole pas”. Une branche pleine de nœuds pour l’amitié de Lou et Malik. Nous allons chanter avec Jerem. Rire avec les proverbes incongrus de notre ancienne taularde, Monique. Frémir avec le terrible pacte que propose Boris. Lutter contre le capitalisme et l’injustice avec Ophélie. Marcher gaiement avec nos marcheureuses. Glousser avec nos ami·es EVG en poulpe, poussin et papillon. Aimer le romantisme obsessionnel de Valentin et la tendresse de Carine.
On va passer une bonne soirée.Musique du jour : Got to Keep On, Chemical Brothers.
Après de multiples discussions et de sondages auprès de nos ami·es et familles, nous en sommes arrivés à un pronostic : on pense que ce sera la branche « Animaux – Lou vole » qui jouera jeudi soir. Donc on répète les autres branches. On est assez persuadé que la branche « Lou ne vole pas » ne jouera pas jeudi soir donc on la répète en premier dans le décor, histoire d’attaquer le monstre par un bout.
Pour simplifier notre première traversée, je décide aussi des embranchements (des résultats des sondages) et les communique à toute l’équipe.
Nous streamons cette répétition pour tester la latence entre le direct et la diffusion. Ça, c’est une autre des découvertes du direct : ce n’est jamais en direct. L’écart entre ce que je vois et ce que le public voit est de quelques secondes. Toute la question est de savoir de combien de secondes. Cela nous pose un gros souci pour les sondages : ils sont synchrones au dialogue. Alors si on a 15 secondes de décalage : quand lancer le sondage pour qu’il tombe au bon moment avec 15 secondes ? Je me suis fait tellement de nœuds au cerveau. J’avais l’impression d’errer dans une boucle où chacun se demande si le changement d’horaire en Eté est mieux que celui en Hiver…
Bref, on va tester le « lag » entre le direct et la diffusion mais pas encore les interactivités.
L’enjeu est de traverser une branche, en entier, pour la comédie et la technique. On valide aussi que Charlotte est au plateau, avec les interprètes pour les accompagner dans les placements. Moi, je suis au Car Régie.
Ce mardi, le musicien, Josy Basar et Ponce ne sont pas là. C’est pas grave, on a plein de choses à caler avant leurs arrivées.
Au programme :
14 h : répétition de la branche « Animaux – Lou vole pas ».
19h30 : générale en condition du direct à 19h30 de la branche « Animaux – Lou vole pas ».
On se prend une grosse pelle.
On démarre notre première répétition avec 1h30 de retard.
Cumul de choses à régler à la technique, embouteillage de bugs au son. C’est long de caler tous les intercom. Oreillette qui marche pas. Oreillette qui grésille. Perte de signal pour une caméra. Oubli du dolly sur la caméra. On apprend toustes à travailler ensemble en faisant alors forcément, le planning glisse.
Il y a une bonne nouvelle au milieu de tout ça : je suis super contente quand on constate qu’il y a seulement 2-3 secondes de décalage entre le direct et la diffusion. Donc, pour les sondages, au pire, ils vont arriver 2-3 secondes trop tôt pour le public. On devrait réussir à gérer ce décalage.
Nous pensions faire une branche en entier, nous n’en avons fait que la moitié.
Leçon de cette après-midi : accepter que ce qui était prévu n’arrive pas. Faire confiance à la patience.
Gérer les doutes de chacun·e. Les marches semblent trop hautes.
Au diner, on est toustes comme des petites cuillères.
Répétition du soir décalée à 21h30.
On se lance. On foire. On recommence. Cette fois-ci c’est parti.
Les comédien·nes sont toustes en costume de jeu, ça fait plaisir à voir.
Je me cale avec Steeve, c’est la première fois qu’on monte ensemble, lui à cliquer sur les boutons, moi à dire quelle caméra je veux. J’apprends à écouter, je tente de précéder les dialogues le plus possible. On n’est pas d’accord sur certains switch ou commut’ (c’est comme on veut) mais on n’a pas le temps de se dire pourquoi, on doit avancer. On en parlera après.
On a essuyé beaucoup de plâtres mais on est allé au bout. Et maintenant on a la liste de tout ce qu’il ne va pas. Lumière, étalonnage, son, signal caméras, axes, plans. Un peu tout quoi.
On me dit que mon plan séquence de fin est techniquement impossible.
Je me couche. Je découvre qu’il m’est impossible de m’endormir juste après. L’adrénaline est longue à descendre.
MERCREDI
Feuille de service mercredi 09/10/24
Note à l’équipe :
Proverbe du jour : L’arbre n’est pas une si grande branche si tu la regardes en multicam.
C’est beau le chemin que l’on peut faire en une journée. Nous avons tellement avancé en deux fois, hier. Nous avons encore deux fois aujourd’hui. On va pas faire des multiplications au carré, mais aujourd’hui, je sais qu’on va avancer encore plus loin. Je savoure votre énergie, vos fous rires et votre implication. C’est tellement précieux.
Nous allons jouer les Personnages. Une autre branche, très belle, elle aussi. De nouveaux cadres, de nouvelles répliques, de nouveaux TOP. Une barbe bleue.
On avance. On avance.Morceau du jour : Eve, lève-toi, Julie Pietri.
A nouveau, tout le monde sait ce que nous jouons, la branche « Personnage ». Cette fois-ci néanmoins, je ne communique pas les choix des branches dans « Personnage » à l’équipe, seul Kilian les connaît. On grimpe dans la difficulté.
Charlotte est cette fois-ci à son poste en back-office, on gère tout à l’oreillette.
Je m’étais promis de regarder chaque matin, le direct de la veille. Nous visionnons les 20 premières minutes avec Pascale, ça nous prend du temps, on échange, on ajuste les plans, les intentions. Et puis la journée démarre. C’est la seule fois où j’ai eu le temps de regarder.
Comme chaque matin, nous répétons les prises d’otages avec les comédien·nes sans la technique. De la mise en place, du calage de dialogues, des placements.
Avec le retard pris la veille, on décale la journée :
15 h : répétition de la branche « Personnage ».
20h30 : générale avec le musicien et Ponce. Nous répétons à nouveau la branche « Personnage ».
Plusieurs ajustements ont été fait à la lumière, le son s’améliore, les caméras mobiles ont un meilleur signal, moins de glitch à l’image. On convient que jeudi après-midi, nous ferons les répétitions avec les réglages lumière du soir, même si l’image risque d’être un peu cramée par endroit. On ne peut plus prendre le risque d’avoir deux réglages différents : un pour le jour, un pour le soir.
Je change la mosaïque pour la géographier davantage. J’essaie de « zoner » les écrans en fonction des décors, pas évident.
On m’annonce qu’il y a peut-être une solution pour que le plan de fin fonctionne techniquement. Alors on le répète ce soir.
On se rend compte qu’il faut refaire les génériques : trop petits, trop rapides. Aller-Retour Express avec la graphiste, Gwendolyne Rottger.
Après la répétition de l’après-midi, les comédien·nes ont besoin qu’on se parle. Les TOP n’arrivent pas quand il faut, iels sont parfois perdu·es à attendre dans un décor, les oreillettes grésillent toujours, iels ne comprennent pas toujours quand iels sont à l’image. Toujours et encore des choses à caler.
Nous commencions à nous dire qu’on arrivait dans une zone « confort », qu’on allait s’appuyer sur des acquis. Ça glisse sous nos pieds. Et c’est normal. Nous ne cessons de recommencer ce que nous pensions avoir terminé. C’est le propre de ce récit à embranchements multiples. Même si certaines scènes convoquent les mêmes situations, leurs conditions techniques et émotionnelles sont différentes.
Le soir, quelques personnes assistent au direct sur notre chaîne secrète Twitch et votent en direct. Leurs votes sont pris en compte. On commence à tester le vertige de ne pas savoir ce qui sera joué. Nous prévenons la communauté qu’il y a un vote qui ne sera pas pris en compte : nous jouerons forcément l’embranchement « Personnage ».
Cette branche « Personnage » est particulièrement physique : elle s’appuie sur beaucoup de changements de décors avec des gros Cut (donc sprint des caméras portées pour être aux bons endroits) et des temps d’attente multiples pour les comédien•nes (rupture de tension dramatique). A l’écriture, il était impossible d’imaginer que cela donnerait ça dans les corps.
Sur les coups de minuit, nos corps attendent le repos.
JEUDI
Feuille de service jeudi 10/10/24
Note à l’équipe :
Proverbe du jour : A chaque jour suffit sa branche
Bonjour, bonsoir, bon matin de la nuit, quelle heure sommes nous ?
Etourdissantes ces journées avec vous. Nos corps sont rompus et nos voix se cassent. Je sais que la fatigue nous étreint. Je sais aussi que l’adrénaline monte. Parce que notre rendez-vous est arrivé. Ce soir, à 19h30, nous jouerons pour la dernière fois les Burgers Volants. Et pour la première fois, nous aurons un public. Nous allons toustes respirer ensemble : dans un même souffle, nous allons raconter une histoire, la jouer, la regarder, la commenter, la danser, la chanter, la filmer, la cadrer, la sonoriser, la maquiller, la coiffer, la toper, la manger.
Ce que vous avez fait jusque ici est merveilleux et brûlant de vie.
Jamais je ne vous remercierai assez.
Mangeons tout ce soir.Musique du jour : Brûler le feu, Juliette Armanet
Tout le monde sait que le direct, c’est ce soir, à 19h30. Tout le monde sait que ce soir, nous ne savons pas ce que nous allons jouer.
Gwen, la graphiste, nous envoie le nouvel écran d’attente. Josy Basar nous confie un morceau de musique à jouer pendant cette attente.
Je choisis de nouveaux sons d’ambiance pour le mixage.
L’équipe d’ARTE arrive : jusque là tous les sondages étaient gérés à distance. A présent, nous sommes toustes ensemble dans le car régie.
Avant les répétitions de l’après-midi, on organise des allemandes, des répétitions mécaniques avec les deux caméras portées pour mieux caler les déplacements. On se dit qu’on aurait dû le faire depuis le début.
15 h: nous démarrons (presque) à l’heure les répétitions. Sur un chiffre rond, Kilian aime bien les chiffres ronds.
Tout se passe plutôt bien.
Et puis, au plateau, ça craque. Ça flanche. Ras-le-bol des oreillettes, ras-le-bol du texte, ras-le-bol du stress. On coupe la répétition. Les sacs se vident.
Je choisis de gérer depuis le car régie, à la voix, dans les oreillettes. Ce soir, si cela arrive, je ne pourrai pas venir au plateau.
On a pris le temps, on s’est parlé et on a recommencé. On a choisi de couper à 17h même si nous ne sommes pas allé·es au bout, pour se garder un temps de repos avant le direct.
Temps câlins.
Le direct
Le direct est un direct « sandwich » : la fiction est programmée à 19h30. A 19h, nous lançons l’écran d’attente. A 19h10, Ponce prend l’antenne. Il est dans le décor, dans le bureau de Boris. Nous le filmons avec les caméras E et F. Première partie du sandwich. C’est le « pré live ». Il explique les principes de cette fiction, donne le pitch et surtout, les règles du jeu pour le sondage. A 19h28, la caméra Stead (la S) entre dans le bureau de Boris. A 19h30 et quelques secondes, Ponce se lève, je bascule sur la caméra S, Anthony lance le générique sur ordre de Kilian, S suit Ponce qui sort du champ, S entre dans le snack et vient se poser face à Malik et Lou.
L’histoire commence. C’est la garniture du sandwich.
2 heures plus tard, à l’issue d’un plan séquence qui révèle tout le dispositif technique mis en place, la caméra S vient se poser dans la cuisine du snack, face à Ponce qui assure le « post-live », dernière partie du sandwich. Ponce anime pendant 30 minutes un débrief où nous sommes toustes venu·es.
Les 2 heures du direct, personne ne savait que cela durerait 2h parce qu’on n’avait jamais eu le temps de tout chronométrer.
Les 2 heures, je les ai traversées depuis le car régie aux côtés, par proximité physique, de :
– Steeve : il switch les caméras à mon « ordre ».
– Kilian : notre script killer qui annonce tout avant que cela arrive.
– Anthony, le boss du car : il gère les réseaux, que ça saute pas.
– Pierre et Meltem : les deux community manager d’ARTE qui lancent les sondages sur Twitch et Youtube et répondent aux commentaires. J’ai clairement demandé à n’être au courant de rien de ce qui se passait en ligne à part des résultats des sondages.
– Maël : cadreur de toutes les caméras PTZ (11 au total).
– Pascale : cheffe opératrice. Elle me prépare tous les cadres et pilote Baudouin et Florian à distance pour les caméras P et S.
– Théo et Mathieu : dans leur cabine son, ils mixent en direct.
Dans un autre bus, Esteban, DIT, fait l’étalonnage, Diarra, cheffe électro, gère les lumières.
Encore plus loin, dans le décor, Charlotte et Juliette gèrent tous les TOP du direct. Ce sont elles qui disent à tel·le comédien·ne d’entrer en scène, elles qui annoncent quand la scène va démarrer (pour un·e comédien·ne hors champ par exemple), elles qui soufflent le texte si besoin. Elles ont donné des dizaines et des dizaines de TOP. Elles m’aident à impulser le bon rythme au direct.
L’équipe des accessoiristes est juste à côté d’elles pour gérer les « effets spéciaux » comme le coup de fil en direct, les ajouts d’accessoire. Nous avons une complice dans le décor, Caroline, équipée d’une oreillette, qui est en communication direct avec l’équipe mise en scène.
Justine, Mélodie, Louise et Delphine sont dans les loges HMC. Elles attendent le fameux embranchement Animaux ou Personnages pour préparer nos 3 interprètes « EVG ».
La caméra S, quand elle se déplace, c’est 3 personnes. Le cadreur, Florian, le chef machino, Guillaume, qui l’aide à se placer, qui le soulage en portant le stead et Eléa, qui fait le point.
La caméra P, c’est Baudouin au cadre et au point et Emilien, machiniste qui l’assiste.
Des fois, je me trompe de switch et la caméra S ou la caméra P entre dans le champ. Je m’en veux, je râle dans le bus et donne vite l’ordre de changer de caméra. Le public comprend alors que tout est pour de vrai, en direct, vu qu’il y a des erreurs. Le public aime ces erreurs.
Je suis déçue par le premier choix du public, je sais qu’une branche entière de bonne comédie vient de tomber aux oubliettes.
Des fois je regarde la caméra qui est au « Programme », c’est à dire ce que le public voit au lieu de regarder les autres caméras. Je me perds encore dans ma mosaïque de 15 écrans : 1 écran par caméra (donc 13), 1 écran pour le Preview (le plan qui va arriver), 1 écran pour le « Programme ».
Toute l’équipe est appareillée d’écouteurs et de micro pour qu’on puisse communiquer les un·es avec les autres.
Moi je n’entends que si quelqu’un·e décide de me parler.
Je peux parler en direct aux comédiens. Je l’ai fait plusieurs fois, surtout pour gérer les séquences musicales, les déplacements où musique et image se mêlent.
Je suis en connexion permanente avec Pascale, elle entend tout ce que je dis. Charlotte aussi, entend tout ce que je dis. Je ne comprends toujours pas comment elles ont réussi à gérer tant d’informations et à entendre tous mes « ordres ». Kilian, collé à mon épaule droite, entend tout aussi. En plus, comme je suis à côté de lui, je peux lui attraper le bras et lui demander où on en est dans l’histoire.
Moi, j’ai du mal à écouter les autres dans le car, j’avoue. Sauf quand Pascale me suggère une autre caméra au casque ou quand Charlotte me parle : c’est qu’on a un problème.
J’écoute les comédien·nes tout le temps. J’essaie de respirer avec elleux.
Avec les comédien·nes, je suis en lâcher-prise complet : je leur fais confiance, confiance dans leurs intentions de jeu, confiance dans leurs erreurs, leurs improvisations. Nous avons passé plusieurs jours ensemble à traverser tous les textes, à préciser les émotions des personnages maintenant, je suis là pour monter et tenter, du mieux que je peux, de les mettre en image. Je ne les dirige plus, iels savent.
Les choix du public nous surprennent toustes : à chaque fois, il évite le conflit, cherche le meilleur pour nos personnages. Nous n’avions pas prévu cette tendresse.
Pendant le direct, je monte, c’est tout. Je donne mes ordres à Steeve, A, B, A, P, S.
J’ai prémonté les séquences sur le scénario, en fermant les yeux pour les voir : en lisant le scénario, j’ai annoté les changements de plan, j’ai prédécoupé. J’ai stabiloté les répliques sur lesquelles je veux changer de plans. Sur le papier, ça fonctionne. Je sais avec quelle caméra je veux ouvrir telle séquence. Mais la grande question est là : comment regarder les images en direct et mon scénario en même temps ? Il m’est impossible de mémoriser mon découpage… Impossible de mémoriser les textes des comédien·nes non plus… Là encore, lâcher-prise.
Au fur et à mesure.
Le début, je l’ai toujours bien eu en tête. Il y a des séquences où je sais que je vais ouvrir avec une caméra bien précise parce que l’action démarre à tel endroit. Ce sont des repères apaisants dans le flux du direct. Ensuite, j’improvise. J’observe ma mosaïque et je choisis à la volée dans les plans que me propose Pascale. Je demande à un comédien de faire un pas sur sa gauche pour me dégager l’axe. Des fois, je m’énerve de moi-même. Je m’énerve d’être en retard sur une réplique, je m’énerve de basculer trop vite, je m’énerve de pas assez écouter le texte. Je fais parfois des sautes d’axes, des raccords dans l’axe, des choses moches et interdites sur un plateau classique, mais ça, je m’en fous.
Le soir du direct, je n’avais pas les bons scénarios avec moi et je ne m’en suis pas rendue compte.
Plusieurs accidents, plusieurs imbroglios nous sont arrivés pendant le direct. Ike a fait une mauvaise annonce par exemple : il a dit « Betterave » au lieu d’ « Avocat » (ou le contraire). Je ne sais pas pourquoi. Je crois que lui non plus. Il a juste mal entendu ou fait une drôle de déduction dans sa tête. Peu importe. Nous sommes toustes ensemble dans le même bateau. Alors on cherche très vite la solution. Ana joue tout de suite le bon texte. Charlotte souffle le texte à Ike. Pierre explique dans le tchat que le vote sera bien respecté. On s’ajuste à toute vitesse. On s’est trompé, on le dit. Le public le comprend et nous remercie de respecter leur vote.
Alors que nous tournons, 267 personnes regardent en direct à quelques mètres de nous Les Burgers Volants. Fabien a eu cette idée géniale d’organiser une Watch Party avec burgers veggies, smoothie dans une salle de Bliiida. Ils regardent ensemble, commentent, mangent, entrent et sortent. Comme au théâtre, il y a très longtemps.
La fin met du temps à arriver. Elle est à multiples tiroirs, un peu trop. Les comédien·nes sont à la limite du craquage, les mots s’embrouillent, les sourires se cachent. C’est beau, j’ai les larmes qui me montent. Je me trompe, je lance un morceau de musique non prévu. Et puis je sais que le dernier plan arrive. Ike et Ana ferment les vantaux du bus, Florian fait son entrée dans le champ et je bascule de la caméra K à la caméra S pour l’ultime plan : un long plan séquence des coulisses. Pour dire Merci à toute l’équipe. Merci de tout.
Le replay
Lors du live, j’ai demandé à enregistrer toutes les caméras dans l’intégralité de leur flux pour pouvoir, au cas où, les utiliser au montage. Normalement, on garde seulement le « Programme », c’est ainsi que l’on nomme le flux vu par les spectateurices en direct. Je m’assurais ainsi d’avoir d’autres plans, de pouvoir créer des coupes que j’aurais pu louper pendant le direct. J’imaginais que j’allais chercher la meilleure prise, le meilleur plan… Je me couvrais en réalité.
Après plusieurs discussions avec ma monteuse, Bérénice Meinsohn, il est assez vite devenu évident pour le replay qu’il fallait raconter cette soirée du 10 et en aucun cas, vouloir monter un nouveau film.
Néanmoins, nous avons enregistré tous les flux « au cas où ».
Astuce environnementale : ne pas enregistrer pour se couvrir, assumer.
Le lendemain du direct, je ne voulais rien remonter. Je voulais garder toutes nos erreurs, les plans où les caméras passent, les interprètes qui se mélangent les pinceaux dans le texte. Après avoir visionné le direct et découvert tous les commentaires des gens sur Twitch, je me suis dit qu’il fallait le raconter, aussi. Comment la communauté a vibré, joué, commenté avec nous.
J’ai aussi vu une longueur dans le film (enchaînement des séquences « 4S » et « Opérap » dans le bus) et j’ai pris la décision de remonter cette partie uniquement, en utilisant toujours exclusivement les plans du Programme.
Nous avons eu 3 jours pour monter le replay. 3 jours à 3. D’un côté, Bérénice et moi au banc de montage, de l’autre, Gwen, sur son logiciel After à nous préparer la matrice graphique des sondages et les inserts « commentaires ».
Pour chaque sondage, nous donnons les conséquences du vote, cela clarifie la narration et la progression dans le récit.
Le replay propose de revivre les choix et les émotions du 10 octobre. Il n’est qu’une des versions de l’histoire. J’ai ajouté plein de commentaires en mode « making of » qui racontent les imprévus, les imbroglios, le travail dans les coulisses. Nous avons exclu du montage les pré et post live, pour moi, cela appartient au dispositif de Twitch.
Nous avons aussi monté 9 « bonus », comme au bon vieux temps du DVD. Ce sont des extraits des répétitions ayant eu lieu avant le live : des bouts d’autres branches de l’histoire. C’était pas prévu mais j’aimais bien ces passages. Ça montre l’étendue de la fiction.
Voir le replay :
Remerciements
A celles et ceux qui ont eu peur, mais qui ont trouvé ça très excitant, celles et ceux qui ont couru contre-la-montre, se sont rattrapés dans les branches, ont souri devant le vertige, celles et ceux qui ont donné corps à cette folle d’idée.
Ana, Ike, Théo, Laetitia, Sophie, Matthieu, just did it !
Angélique, merci d’avoir accepté ce casting casse-tête. Chacha, après l’impossible, l’au-delà ? Fabien, pour une première fois, on fait fort. Gaël, du live dans le live avec toi, le kiff. Kilian, 4,3,2,1… Merci !! Laura Benson pour ce chat très accueillant. Marianne, Lama, tant de fois. Noémie, pour ce deuxième septembre. Pascale, chorégraphe de l’image. Rébecca, ce café à Montreuil a changé beaucoup de choses. Steeve, le switcheur.
À chaque jour suffit sa branche.
Je vous embrasse.