Un jour d’avril 2021, Jean Boillot au phrasé plein de jolies coutures me contacte. Il me propose d’intégrer un collectif pour réfléchir à un truc où le théâtre et le numérique se mélangeraient interactivement et joyeusement. On ne se connaît pas. Je ne connais aucune personne de l’équipe pressentie. La première résidence se ferait dans l’Est. Je dis oui. Me voilà dans le « Le nouveau Décaméron » pour deux ans.

Le 3 septembre 2021, je suis à Vitry-Le-François pour la première fois de ma vie. Pour 2022, Jean Boillot m’a promis une résidence à Bitche. Difficile d’y résister *.

« Pourquoi faire de l’interactif ? » me demande Marc Antoine Cyr, auteur de théâtre. Depuis hier, je suis en résidence avec 6 autres personnes pour imaginer des nouvelles narrations, des nouveaux formats où le théâtre et le numérique se mélangent. Un vaste sujet que nous allons malaxer pendant 2 ans au gré de résidences en présentielle et à distance.

Nous passons l’essentiel de notre temps assis autour d’une grande table ronde cernée de plantes de plastique. On erre sur TikTok, on raconte « l’auto théâtre » (du théâtre sans acteur), les « bals littéraires » (des spectacles en 10 épisodes. Chaque épisode se termine par une musique où le public danse), on crée des stories pleine de filtres et de textes. On se demande si on peut écrire à plusieurs en même temps sur le même texte. Et puis on se dit qu’on n’en a pas envie.

On traverse quelques rues, on part déjeuner des plateaux « traiteurs » suremballés de papier cellophane. On boit un café filtre et on se rassoit.
Et, je ne sais comment, petit à petit, une première esquisse de projet se dessine. On bifurque à nouveau, on joue à Spaceteam (on perd un peu vite la première fois), on aère la pièce, je fais une sieste.
On se rassoit. L’idée se précise vraiment. On a défini un protocole, un dispositif pour 8 personnes sans aucune narration dedans. Un protocole interactif où on ne se demande plus comment « ajouter » de l’interactif, il fait narration. On en a juste eu envie. L’histoire viendra après.

J’ai finalement répondu à Marc Antoine que, pour moi, l’interactif était bien loin d’être l’apanage du numérique. Il prend de multiples formes, des plus simples, comme tourner la page d’un livre, aux plus complexes comme un jeu vidéo. Le cinéma n’est pas interactif : peu importe qui sera dans la salle, la séance aura lieu. Pauline Sales, autrice de théâtre, m’affirme alors que le théâtre est interactif. Pour elle, le public, ses respirations, sa présence, le nombre de spectateurs, influe, interagit sur les comédiens, la pièce, le lieu. Il n’est pas nécessaire que le public joue un rôle dans la narration pour que ce soit interactif. Je n’y avais jamais pensé.

2 ans plus tard, multiples sessions d’écriture **, de résidences, de tests utilisateurices plus tard, L’Arbre de Mia est créé.

L’Arbre de Mia est un « jeu théâtre » prêt à jouer, une expérience collective entre jeu de rôle, lecture à voix haute, escape game. Pas de répétitions préalables : les spectateurs découvrent l’histoire en la jouant, à l’aide d’un smartphone qui leur transmet leur rôle.
L’Arbre de Mia aborde avec sensibilité et humour la construction de l’identité et le poids des secrets de famille.
Mia, jeune bachelière, annonce à sa mère, son père et sa marraine qu’elle renonce à faire des études de médecine pour choisir l’avenir qui lui convient. Cette décision va révéler l’existence d’un secret lié à sa filiation.

L’Arbre de Mia est un jeu en trois actes, pour 4 à 12 joueurs.
Durée : 1h15.

 

L’équipe

Ecriture : Pauline Sales, Marc Antoine Cyr et Camille Duvelleroy
Mise en scène : Jean Boillot et Laurent Crovella
Réalisation interactive : Jacques Hoepffner
Son et régie générale : Perceval Sanchez
Lumière : Manu Nourdin
Interprétation : Estelle Aubriot

Coproduction : Bords2Scènes de Vitry-le-François, KulturFabrik de Esch-sur-Alzette, Ville de Longwy. Avec le soutien de la Région Grand Est.
Ce projet a reçu l’aide du DICREAM (CNC), de l’ONDA (Ecran Vivant).

 

* Je n’ai finalement pas réussi à aller à Bitche, les 9h de traversée Sud – Est ont eu raison de moi. La déception fut réelle.

 

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Nous avons fixé un calendrier d’écriture très à l’avance. Bloquant 3 jours tel mois, puis tel autre. Nos 3 jours se déroulaient toujours un peu de la même manière : une première visio à 3 toute la première journée. On brasse les idées, on prend des notes en temps réel sur un google doc partagé, on dit des bêtises. Visio sur le matin de la deuxième journée. Ecriture en solo sur les parties que chacun·e choisit l’après-midi et le matin suivant. Dernière après-midi : mise en commun des textes, relectures, ajustements. Et on redit des bêtises. ↑↑

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